samedi 2 janvier 2021

Let's pollute: de la soupe Campbell au syndrome du caddie...

 


Let’s Pollute est un film d’animation écrit et réalisé par Geefwee Boedoe et produit par Happy-Go-Dismal en 2009.


D’un style clairement inspiré des films éducatifs des années 50-60, c'est un film satirique sur l’évolution de nos habitudes de consommation et les conséquences que cela impliquent pour la planète. Il démontre à quel point la pollution dont nous sommes héritiers contribue à la prospérité de notre économie.
En misant sur l’ironie, le résultat permet d’aborder des problèmes environnementaux sérieux avec une pointe d’humour tout en tournant au ridicule des comportements irresponsables.
Quelles sont nos valeurs aujourd'hui ? Pourquoi consommons-nous sans vraiment nous soucier (ou rarement) de l’impact de nos choix ? Qu’est-ce qui justifie une telle hypocrisie généralisée ? Notre confort perpétuel en vaut-il le prix ? 
Nominé aux Oscars du court-métrage d'animation 2011, Let's Pollute nous plonge dans l'incohérence qu'est notre réalité moderne avec un second degrés critique effrayant.
Pourquoi se voiler la face ? Nos actes détruisent la planète, alors encourageons les !

Nous suivons une famille au fil du temps qui fait son maximum pour s’intégrer à une société où le gaspillage et la pollution sont les moteurs. Après un petit rappel de notre héritage de pollueurs inexpérimentés, le court métrage nous rappelle que la révolution industrielle et l’invention de la machine sont venus à notre secours afin d’enfin pouvoir polluer jour et nuit sans interruption.
Exploitez sans modération les ressources naturelles, achetez toujours plus, que du jetable de préférence, ne triez pas vos déchets, luttez contre le restrictions environnementales qui empêche la pollution chimique des industries, ne réparez rien, n’achetez jamais d’aliments bio, préférez les plats préparés sur-emballés…
Grâce à Let’s Pollute, apprenez à mieux polluer et détruire la planète. "Polluer est votre privilège. Et votre devoir !"."Avec de la discipline, vous pouvez toujours consommez plus, gaspillez plus, tout en étant moins responsables !"


Cette critique de la société de consommation s'ancre dans "l'american way of life" qui a servi de modèle au développement des sociétés occidentales depuis les années 1930, trouvant sa pleine influence après la seconde guerre mondiale et pendant la guerre froide.

LouisvilleKentucky1937Margaret Bourke-White

Epoque de prospérité fictive (seule une partie de la population y avait accès...) et de bonheur stéréotypé, cette manière de vivre insouciante, basée sur la consommation et les loisirs, a été célébrée autant que critiquée par le pop art, qui en montre la beauté idéalisée.
Les artistes utilisent les images emblématiques et populaires (publicités, affiches de cinéma, magazines, bandes dessinées...) et les objets du quotidien, sources d'envie et de plaisir, comme matériaux et thème de représentation. Ils exploitent également le système médiatique en plein essor, comme nouveau moyen d'organisation et de diffusion  de la création artistique.

"Quand on y songe, les supermarchés sont un peu comme des musées". Andy Wahrol

Andreas Gursky « 99 cents » 1999, photographie de grand format d'un supermarché accumulant les marchandises

« Plus on regarde exactement la même chose, plus elle perd tout son sens, et plus on se sent bien, avec la tête vide. » Andy Wahrol

Andy Warhol, 32 soupes campbell, 1962

Martial Raysse, Soudain l'été dernier, 1963 - Centre Pompidou, musée national d’art moderne 
Roy Lichtenstein, femme au miroir, 1963

Tom Wesselmann – Still life n°30 (1963) 122 x 167,5 x 10 cm MoMA

James Rosenquist: World’s Fair Mural, 1964

Jusqu'à la fin du XXème siècle, les artistes critiques de la société de consommation en ont principalement dénoncé le caractère aliénant pour l'individu, face à ses dérives économiques, politiques, idéologiques et sociales.

Collage de Richard Hamilton,1956
Just what is it that makes today’s homes so different, so appealing? 

Keith Haring. 1958-1990. Drapeau américain


Ralph Goings, "America’s Favourite", 1989, Collection of Susan P. and Louis K. Meisel, New York

Barbara KRUGER, Untitled (I shop therefore I am), 1989

Supermarket lady, Duane HANSON1969.

Jean-Baptiste Mondino,  photographie pour pochette de l'album "J'accuse" de Damien Suaez, 2010, qui dénonce la société de consommation façon Zola ( l'affiche a été interdite par la censure dans les rues de France... )

La chute,  Banksy, quartier chic de Mayfair (Bruton Lane), London, 2011

Aujourd'hui, l'urgence écologique incite les artistes à critiquer la société de consommation globalisée pour ses conséquences catastrophiques pour la planète: changement du climat, mort de la nature, détérioration des conditions de vie et de la santé des humains.


2019. La grande vague. Créapills

De l'accumulation comme processus créatif signifiant

La création consiste à remplir peu à peu un espace donné, qui laisse transparaître la chronologie du processus technique. Les phénomènes de propagation, de dissémination, de prolifération, de contamination sont des gestes créateurs qui suivent des logiques particulières, liées à l'intention de l'artiste.


"Je suis donc tu es" par Maylis de Poncin. Nikon film festival, 2019


Campagne publicitaire télévisuelle anti-tabac. Tabagisme passif. 2006


Que ce soit de manière induite ou littérale, de nombreux artistes dénoncent le gaspillages de notre société de consommation, en utilisant l'accumulation comme mode de création.

Les déchets peuvent être mis en scène sous forme d'installation et leur présence en tant que tels vaut tous les discours.
Quand ils sont utilisés comme matériaux pour leurs qualités esthétiques, ils provoquent également par leur nature et leur provenance, un questionnement critique sur la société de consommation.
Leur représentation sous forme d'images: collages, photographies, peintures, ...etc... peut montrer l'horrible beauté qui se dégage de leur accumulation, alors même qu'ils ne sont parfois encore que biens de consommation, symboles du déchet en devenir, futurs détritus.
L'accumulation en tant que notion esthétique d'envahissement de l'espace par la multitude, amplifie l'idée de surproduction, de pollution, créant la même sensation d'oppression...

Arman. "Poubelle". Série débutée en 1959. Boite en plexiglas avec objets jetés aux ordures

Dirty white trash, with gulls (1998), Tim Noble et Sue Webster. Tas d'ordures ménagères en forme de silhouettes, projetées sur un mur: nous sommes ce que nous consommons...

Wasteland (2012),  de Vik Muniz. Tableau de grands maîtres reproduits avec des déchets de la décharge de Rio (ici, assassinat de Marat par david)
Liu Jianhua, Installation: objets non dégradables se déversant d'un container, envahissant l'espace d'exposition comme cela arrive tous les jours en mer
Julien Garcia. Assemblage en forme d'animaux réalisés avec des petits objets en plastique. interpelle sur la destruction de la faune par la concentration de ce matériaux  dans l'environnement

Bernard Pras. Installation anamorphose reconstituant la vague d'Hokusai. La mer devient une poubelle...

Tom Deininger. Tableau en relief constitué de détritus, représentant le drapeau américain. Les USA à l'origine de la société de consommation...

Tony Cragg. Installation: détritus en plastique triés par couleur et collés au mur, formant une palette de peintre. Interroge le rôle de l'artiste sur les question d'environnement
Claire Morgan. Installation en sac plastique de supermarché. Pourquoi utiliser une ressource précieuse (pétrole) pour une utilisation éphémère, ingrate et polluante?

Mary Ellen Croteau. Tableau autoportrait en bouchon de bouteilles plastiques. La beauté dans nos déchets... Alors pourquoi les jeter?

Chris Jordan, "cellphone", Atlanta, 2005, photographie dans un centre de destruction de téléphone mobiles, série "intolerable beauty"

Liu Bolin. Photographie avec corps de l'artiste peint posant devant un rayon de grand magasin, disparaissant parmi ces objets de consommation

Ru Xiaofan, Portrait peint: le personnage se surcharge et disparaît sous les objets que la société de consommation lui donne à désirer

Erro, " Food Scape", peinture de grand format remplie de représentations de nourriture donnant un sentiment d’écœurement face à la surconsommation

David Cintract, collage. Un super héro essaye de se frayer un chemin parmi une multitude d'images cultes de la publicité.

Jani Leinonen, The Most Terrible Things, 2015. Photo: Finnish National Gallery / Pirje Mykkänen
Bas relief reprenant des logos de marques:"les choses les plus terribles, guerres, génocides, et esclavage, ne résultent pas de la désobéissance, mais de l’obédience". Alerte sur l'influence des grand trust de la société de consommation sur les situations économiques, sociales et géopolitiques dans le monde.

David Terrazzano, crée des images peintes ou infographiques, qui posent un regard critique sur la société moderne